3 questions à Philippe Gervais, Docteur en radiopharmacie, expert international auprès du CEA
Pour les projets transverses CAor et Lotus, développés au centre d’imagerie moléculaire et fonctionnelle du Service Hospitalier Frédéric Joliot (SHFJ) sur le site d’Orsay, Lemer Pax a conçu, fabriqué et livré, pour le CEA, quatre enceintes de radiosynthèse pour la production de fluor 18 et de carbone 11.
L’objectif étant notamment de proposer une solution intégrée de production de radionucléides et de synthèse de radiopharmaceutiques innovants « à la dose » de façon à permettre leur évaluation rapide à grande échelle, et donc, de faciliter l’émergence de nouveaux radiopharmaceutiques en clinique.
Philippe Gervais, Docteur en radiopharmacie, expert international auprès du CEA, responsable du projet CAor et conseil aidant pour la micro fluidique pour Lotus, se réjouit de ce bond technologique et qualitatif qui va améliorer l’ensemble des conditions de sécurité et de confort de travail des personnels concernés.
Que vous apporte l’utilisation de ces enceintes « nouvelle génération » en matière de sécurité ?
Philippe Gervais : Aujourd’hui, nous avons plus le souci de la protection des opérateurs et de l’environnement que par le passé. Ces enceintes sont donc étanches à tout transfert entre le milieu propre de l’enceinte et l’extérieur. Le système de compression des gaz branché sur l’extraction de la cellule, pendant qu’elle est en synthèse confine le gaz, qui potentiellement pourrait être radioactif, pour assurer ensuite la décroissance avant l’administration dans l’atmosphère générale.
Les nouvelles règlementations et les normes de sécurité évoluant sans cesse, avec notamment l’apparition dans les années 2000 de l’ASN, les centres de recherche doivent en permanence garantir un degré de sécurité élevé tant pour le personnel que pour l’environnement. Les programmes CAor et Lotus arrivent donc à point nommé pour valoriser la remise à niveau du secteur de production de médicaments radiopharmaceutiques des laboratoires d’Orsay.
La médecine personnalisée a-t-elle eu un impact sur la montée en gamme de vos outils de production ?
Philippe Gervais : Sans aucun doute ! Ces enceintes sont classées C pharmaceutiques dans des locaux de classe également C. Les circuits dans les laboratoires et les bâtiments ont en effet été revus et corrigés afin de disposer de beaucoup plus de cloisonnement. Il s’agit de bien séparer les flux.
Cette remise à niveau de notre secteur de production de médicament radiopharmaceutique, administrable à l’homme en recherche biomédicale, avec l’implantation de deux enceintes fluor 18 (75 mm de plomb) et de deux enceintes carbone 11 (75 mm de plomb) du programme CAor nous conduit, dans le cadre cette fois du projet Lotus, à fabriquer, à façon, dans un temps réduit une préparation radiopharmaceutique administrable à l’homme. Entre le moment où l’on démarrera le cyclotron et l’instant où la seringue sera prête à être administrée, il devrait se passer moins de 45 minutes avec des marqueurs complètement personnalisés et des radioisotopes de type fluor 18 et carbone 11. Ce développement est mené avec des sociétés comme PMB, Evéon, spécialisée dans l’injection de précision, le groupe Alcen et le CEA qui amène toute son expérience et sa technologie. En plaisantant, nous appelons ça entre nous, le Nespresso du radiopharmaceutique. C’est la grande évolution de ces dernières années ! A titre d’exemple, l’indication AMM du FDG était très généraliste. Aujourd’hui, nous sommes clairement dans une démarche de soins personnalisés.
Pourquoi, il y a 50 ans, êtes-vous venus vous installer à Orsay ?
Philippe Gervais : La réponse est simple, nous avions besoin, en 1958, de nous rapprocher d’un centre comme le CEA Saclay, qui était producteurs de radionucléides pour expérimentation chez l’homme et d’un hôpital, ici le centre hospitalier d’Orsay, pour bénéficier de la compétence des médecins, des infirmières et des manipulateurs radio.
Centre TEP depuis 1975 avec le cyclotron CGR 520 MeV nous avons d’ailleurs eu nos premières enceintes Lemer Pax cette année-là. De 1975 à 2004, Orsay fut l’un des centres où s’effectuait l’imagerie TEP avec des développements de caméra TTV01/02 mises au point par le Leti pour plus d’images fonctionnelles en TEP. En 1992, nous avons fait fonctionner le premier IRM 3.0 Tesla pour poursuivre l’expertise, chez l’homme, de l’imagerie du cerveau. Le labo 16 était équipé de cinq enceintes Lemer Pax : deux enceintes dédiées au carbone 11, deux au Fluor 18 et une dernière enceinte destinée à orienter les cibles et faire des manipulations de moindre activité. En 1998, nous devenons le premier établissement pharmaceutique avec un partenaire privé, CiS Bio International, à distribuer le 18-Fluorodésoxyglucose en France. Nous avons poursuivi cette activité de production de médicament radiopharmaceutique de 1998 à 2009, tout en étant un centre de recherche et un service de médecine nucléaire conventionnel. Nous avons beaucoup développé dans ce centre l’imagerie TEP sur les neurosciences. Notre cœur de métier, il est vrai est le Parkinson, la Maladie d’Alzheimer et la sclérose en plaque.